Comment Apple est tombé dans le piège stratégique de la Chine

By Olivier

L’histoire d’Apple en Chine illustre les risques d’une stratégie industrielle trop centralisée et les défis géopolitiques qui en découlent.

En bref dans cet article :

  • La dépendance excessive à la production chinoise est devenue un talon d’Achille pour Apple, causant des pertes de plusieurs milliards lors des confinements
  • La stratégie « China Plus One » marque un tournant vers l’Inde, le Vietnam et le Mexique pour diversifier la production
  • Le dilemme éthique entre valeurs occidentales et compromis en Chine affecte l’image de marque d’Apple
  • La perte de parts de marché face à Huawei en Chine signale un déclin de l’influence d’Apple dans la région

Je dois vous l’avouer, l’histoire d’Apple et de sa relation avec la Chine m’a toujours fasciné. Comme de nombreux entrepreneurs du digital, j’observe avec attention les stratégies des géants technologiques pour en tirer des enseignements dans ma propre activité. Pendant que je développais mes premières plateformes en ligne, Apple construisait un empire industriel en Chine qui allait devenir son talon d’Achille.

La lune de miel industrielle entre Apple et l’empire du milieu

À la fin des années 90, alors que je découvrais encore les rudiments du code HTML, Apple traversait une période critique. Steve Jobs venait de reprendre les rênes d’une entreprise au bord de la faillite. Pour assurer la renaissance de la marque avec l’iMac, l’iPod puis l’iPhone en 2007, Tim Cook, bras droit de Jobs, a pris une décision stratégique majeure : délocaliser massivement la production en Chine.

Ce choix semblait alors parfaitement logique. La Chine offrait une combinaison d’avantages incomparable :

  • Une main-d’œuvre massive, disciplinée et bon marché
  • Une infrastructure industrielle d’une flexibilité exceptionnelle
  • Un écosystème complet de fournisseurs de composants
  • Des incitations fiscales considérables
  • Une position géographique stratégique pour l’exportation mondiale

En novembre 2022, l’usine de Zhengzhou, surnommée « iPhone City », produisait à elle seule plus de 50% des iPhones vendus mondialement. Cette concentration extrême illustre parfaitement la stratégie adoptée par Apple pendant deux décennies. Comme j’ai pu l’observer dans mes propres projets digitaux, la centralisation peut offrir d’énormes gains d’efficacité, mais crée aussi une vulnérabilité systémique.

La Chine n’était pas uniquement un centre de production pour Apple. Elle est rapidement devenue son deuxième marché le plus lucratif, juste derrière les États-Unis. Cette évolution commerciale fulgurante rappelle comment les plateformes digitales peuvent transformer rapidement leur modèle économique pour saisir de nouvelles opportunités.

Quand la dépendance devient un piège stratégique

J’aime observer et analyser comment les grandes entreprises peuvent se retrouver prisonnières de leurs propres choix stratégiques. Apple en est l’exemple parfait. Dès 2018, plusieurs signaux d’alerte ont commencé à clignoter :

La guerre commerciale initiée par l’administration Trump a imposé des droits de douane pouvant atteindre 25% sur de nombreux produits chinois. Même si Apple a pu négocier des exemptions temporaires, cette situation a révélé la fragilité de sa chaîne d’approvisionnement.

Puis la pandémie de Covid-19 a frappé comme un coup de massue. En mars 2020, les usines Foxconn tournaient au ralenti. Plus dramatique encore, en novembre 2022, la gigantesque usine de Zhengzhou avec ses 200 000 employés a été placée sous confinement strict, provoquant des émeutes parmi les travailleurs.

Cette situation a entraîné des retards massifs dans la production des iPhone 14 Pro et Pro Max. Selon Bloomberg, Apple aurait perdu 6 milliards de dollars de revenus à cause de cette seule fermeture. Une leçon que j’essaie d’appliquer dans mes propres projets : ne jamais dépendre d’un seul fournisseur ou d’un seul canal de distribution.

La stratégie du « China Plus One » comme réponse à la dépendance

Face à ces défis, Apple a dû repenser sa stratégie industrielle. J’ai souvent constaté que les meilleures entreprises sont celles qui savent s’adapter quand les circonstances changent. La firme de Cupertino adopte désormais l’approche dite du « China Plus One » – conserver une présence significative en Chine tout en développant des capacités de production ailleurs.

L’Inde émerge comme l’alternative la plus prometteuse. En 2023, environ 7% des iPhones étaient assemblés dans ce pays, avec un objectif ambitieux d’atteindre 25% d’ici fin 2025. Pour y parvenir, Foxconn a investi plus de 1,6 milliard de dollars dans une nouvelle usine près de Chennai.

Cette diversification n’est pas sans rappeler les stratégies que j’adopte pour mes propres clients. Comme je le conseille souvent aux start-ups que j’accompagne : ne mettez jamais tous vos œufs dans le même panier, surtout quand ce panier se trouve dans un environnement géopolitique instable.

Le Vietnam et le Mexique sont également des destinations privilégiées par Apple et ses fournisseurs. Cette redistribution des chaînes de production marque un tournant majeur dans l’économie mondiale. La Banque mondiale a d’ailleurs déclaré en 2024 que nous entrions dans une ère de « fragmentation des chaînes de valeur » caractérisée par moins de mondialisation et plus de régionalisation.

Le défi identitaire d’une marque prise entre deux mondes

Au-delà des aspects industriels, Apple fait face à un dilemme moral et identitaire. En 2019, sous pression de Pékin, la firme a retiré de l’App Store une application utilisée par les manifestants hongkongais. De même, les données des utilisateurs iCloud chinois sont stockées sur des serveurs contrôlés par l’État, et certaines applications comme les VPN sont bannies de l’écosystème iOS chinois.

Ces compromis entrent en contradiction avec l’image qu’Apple cultive en Occident : celle d’un défenseur de la vie privée et de la liberté d’expression. Cette dissonance me rappelle les défis éthiques que nous rencontrons tous en tant qu’entrepreneurs du digital, à une échelle différente.

Le marché chinois lui-même commence à se retourner contre Apple. En 2023, pour la première fois, la marque a perdu sa position dominante sur le segment premium au profit de Huawei, qui fait un retour spectaculaire malgré les sanctions américaines. En 2024, les ventes d’Apple en Chine ont chuté de 24% au premier trimestre, tandis que Huawei progressait de 64%.

Cette histoire nous montre que même les entreprises les plus puissantes peuvent se retrouver piégées par leurs propres succès. Une leçon que j’applique quotidiennement dans ma vie d’entrepreneur nomade digital.